Grand entretien avec… Thibaut Ledunois, directeur de l’entrepreneuriat et de l’innovation à la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin.

« L’IA est un puissant levier de compétitivité pour nos entreprises ».
A l’heure où l’intelligence artificielle envahit l’univers de la mode tout entier, Thibaut Ledunois nous dresse le panorama des transformations les plus impactantes, en rappelant les dangers mais aussi les atouts de l’IA pour la croissance et la compétitivité du secteur…
Comment l’IA impacte-t-elle le secteur de la mode ?
Le développement de l’intelligence artificielle connait une accélération totalement inédite et intègre désormais l’univers de la mode tout au long de la chaine de valeur, même si l’attention se concentre plus particulièrement sur la création. La solution imki intègre les studios de The Kooples, de nouvelles solutions issues de l’IA participent à différentes campagnes digitales mais en réalité, les principaux cas d’usage sont ailleurs. Dans le pilotage de la performance et l’aide à la décision (ndlr. NoStress), dans l’anticipation des achats et une gestion optimisée des stock (ndlr. Autone, Centric), dans les recommandations de taille en e-commerce (ndlr. Kleep) ou encore dans l’optimisation des discounts et des pricings. L’IA va également transformer la façon de produire et l’ensemble de l’outil industriel avec une optimisation de la coupe (ndlr. Lectra) et des flux plus tendus. De plus, l’IA constitue également un levier de compétitivité pour les entreprises de mode françaises.
Quels sont, à vos yeux, les principaux dangers de l’Intelligence artificielle ?
Cet outil qui repose sur un usage massif de la donnée, encore faut-il savoir quelles données sont utilisées, par qui et pour quel objectif. Les marques de mode françaises et tout notre tissu industriel doivent prendre conscience que seules les entreprises qui sauront maitriser et protéger leurs données (gouvernance en interne, organisation, taxonomie, cybersécurité) pourront réellement tirer bénéfice de l’IA*. Celle-ci induit de vrais questionnements en matière de confidentialité, de souveraineté et de propriété intellectuelle, tout particulièrement dans un contexte de course internationale à l’innovation fortement lié à la géopolitique. Le principal danger est d’oublier la puissance exponentielle de ces outils et leur résonnance profondément politique.
L’IA offre tout de même de nombreux atouts, comment les entreprises peuvent-elles en tirer parti ?
Il s’agit d’une révolution technologique et industrielle comme nos industries en ont connu de nombreuses. Elle n’est donc pas une option, mais une réalité à prendre impérativement en compte dans le secteur ultra-concurrentiel qui est le nôtre. J’aimerais néanmoins que cette révolution technologique intègre également des réflexions sur les sujets de diversité et d’inclusion, permette une véritable révolution dans la décarbonation de notre secteur et ne serve pas simplement les intérêts de quelques-uns. Par ailleurs, on ne peut nier que l’intelligence artificielle est l’un des leviers les plus efficaces pour mieux gérer la rentabilité et les marges de nos entreprises.
Dans cet esprit, le ministère de la culture associé à la Bpi et à la Banque des territoires vient notamment de lancer un appel à projet…
Dans le cadre du plan France 2030, piloté par le Secrétariat général pour l’investissement en lien avec le Ministère de la Culture, avec la collaboration de Bpifrance et de la Banque des Territoires, un appel à projet a en effet été proposé jusqu’au 28 octobre prochain. Son objectif ? Soutenir les entreprises qui s’engagent dans la voie de la transition numérique grâce au développement de technologies innovantes telles que l’intelligence artificielle, la blockchain ou les solutions d’exploitation de données. Les entreprises ont tout intérêt à se pencher au plus vite sur cette opportunité, qu’il s’agisse des projets attendus, des critères d’éligibilité ou des modalités de soutien*.
Comment voyez-vous la transformation du secteur dans les cinq prochaines années ?
L’intelligence artificielle va sans doute bouleverser très rapidement la façon dont on achète sur internet. Les sites des marques vont être de plus en plus personnalisés – avec des personal shopper en ligne comme c’est le cas chez Zalando depuis fin 2024. Les agents conversationnels vont prendre une part de marché non négligeable des moteurs de recherche classiques dont Google. Comment va évoluer le SEO dans un agent comme Le Chat ou ChatGPT ? Où vont aller les investissements en SEA ? A qui va profiter ces assistants personnels créés et entretenus par des sociétés non européennes ? Le sujet de l’acquisition est également important. Les agences ads historiques font maintenant face à des IA propriétaires des réseaux sociaux qui optimisent l’investissement publicitaire.
Difficile de voir l’avenir mais il s’annonce à coup sûr très différent de notre monde.
*A consulter
Pour l’appel à projet sur la transition numérique, rendez-vous sur cette page
LinkedIn Live avec Extend Business Consulting – Démystifier la data : les 8 bonnes pratiques de gestion des données – janv 2025).