« Ce sont des femmes qui m’ont aidée à prendre ma place »

8 juillet 2025

Témoignage de Manon Cornué, gérante de la Manufacture de Clisson

 

Avant de reprendre la Manufacture de Clisson en 2020, Manon Cornué a réalisé un beau parcours (Elie Saab, Vivienne Westwood, Céline) qui a façonné sa vision de la mode aujourd’hui. Nous lui avons demandé …

 

… comment elle avait vécu le fait d’être une femme dans ce milieu : « J’y ai fait de belles rencontres féminines qui m’ont stimulée et m’ont aidée à prendre ma place. Mais mon indépendance, je la dois surtout aux femmes de ma famille qui m’ont toujours poussée vers des objectifs plus ambitieux. Maintenant je travaille avec l’une d’entre elles, ma mère, sur la partie comptabilité. »

 

… quel était son rapport à la mode : « Un rapport toxique ! J’ai toujours envie d’avoir plus de nouveautés. Mais depuis que j’ai repris l’atelier et que je comprends la valeur d’un vêtement, je veux aussi plus de qualité et d’éthique, ce qui est assez paradoxal. Je consomme donc différemment. J’achète du vintage et du made in France : je suis devenue cliente de mes clients ! »

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Grand entretien avec… Isabelle Lefort, co-fondatrice et directrice de l’association Paris Good Fashion

« Nous voulons penser et agir ensemble pour une mode durable »     Fondée en 2019 pour faire de Paris LA capitale de la mode durable et accélérer la transition environnementale, l’association vient tout juste d’organiser son premier Mid Summer Camp. L’occasion de partager connaissances et bonnes pratiques et réfléchir, ensemble, au demain du secteur. Le point avec Isabelle Lefort, à l’initiative de l’événement.     Vous venez d’organiser votre premier Mid Summer Camp, destiné à réunir des acteurs impliqués dans la transition écologique du secteur. Quelle était l’ambition de cet événement ?   Il y a tout juste 6 ans, nous avons créé Paris Good Fashion pour faire de Paris LA capitale de la mode durable. Depuis, nous n’avons cessé de relever ce défi mais il reste beaucoup à faire alors que le dérèglement climatique est plus manifeste que jamais. Face à cette urgence, il nous a semblé indispensable de réunir l’ensemble des acteurs avec une conviction. Pour mener des actions communes, il faut partager connaissances et expériences, penser ensemble le futur que nous voulons donner à la mode.   Premier temps fort de l’événement, un état des lieux des avancées en matière de transition écologique, mais aussi des défis quil reste à relever…   Depuis 2019, il y a indéniablement eu d'énormes progrès. Les acteurs de la mode échangent désormais sur ces sujets et mènent des combats ensemble, notamment face aux effets dévastateurs de l’ultra-fast fashion ; lutte pour laquelle l’UFIMH a été en première ligne. En revanche, nous sommes dans un contexte qui s’est durci. Les sujets se sont complexifiés et nous devons faire face à un moment de backlash des thèmes écologiques, alors qu'il est capital d'accélérer pour des raisons environnementales, mais aussi économiques. Si nous ne voulons pas nous fermer le marché chinois qui, lui-même, s’empare de ces thématiques, il faut absolument accélérer la transition en termes d'éco-conception, de traçabilité, de réduction de l'impact de production… C’est toute l’ambiguïté de la Chine. Des marques comme Shein s’y développent. Dans le même temps, le pays entend appliquer, à la lettre, une réglementation proche de la législation européenne d’ici 2027. Les entreprises qui ne seront pas alignées risquent de perdre ce marché.   Vous avez ensuite dévoilé le résultat d’une étude autour de la décarbonation. Pouvez-vous nous la présenter ?   Nous travaillons depuis deux ans sur le sujet et venons de présenter une trajectoire inédite. Elle a tout d'abord été réalisée avec l’appui de 25 entreprises (chiffre jamais atteint) qui ont accepté de communiquer leurs résultats. Le sujet a ensuite été abordé par segments (luxe, premium, mass market) alors que toutes les trajectoires sont aujourd’hui pensées de façon globale, ce qui gomme les différences pourtant importantes entre ces segments.   Partant de cette analyse, vous avez également énoncé différents leviers d’action…   Nous avons établi une trajectoire à 2030 alignée sur l'accord de Paris et la volonté de ne pas dépasser 1,5°de hausse de température. Grâce à cette étude, on sait que le luxe devrait réduire de 1% ses volumes de vente pour être en phase avec l’objectif, le premium rester sur une même trajectoire et le mass baisser drastiquement. Partant de ces constats, nous allons travailler collectivement sur la traçabilité, l'identification et l'implication des sous-traitants, la réduction de l'impact de la production. Nous nous concentrerons aussi sur les liens finance-RSE, parce qu'il faut à la fois réduire l'impact environnemental et augmenter la performance des entreprises. Enfin, nous prévoyons l’organisation d’une seconde consultation citoyenne lancée dès la rentrée (après celle de 2020) car on ne pourra réussir que si on implique les consommateurs.   Cet événement proposait également des conférences avec de jeunes créateurs, très investis…   Nous avons en effet imaginé un atelier avec Nathalie Dufour, fondatrice et directrice de l'ANDAM qui s’est entourée de jeunes créateurs pour qu’ils puissent partager leurs bonnes pratiques. L’occasion aussi de rappeler que la mode est une industrie créative et que les designers doivent être impliqués dans cette transition écologique. Les entreprises ont trop longtemps travaillé en silo, à l’écart des créateurs. Nous l’avons vu lors de cet atelier, la question du développement durable fait désormais partie intégrante de leurs préoccupations, et de leur démarche créative.   Vous avez pensé ce Mid Summer Camp comme un rendez-vous pérenne, une sorte de GIEC de la mode. Comment envisagez-vous la suite ?   Nous sommes tout d’abord très satisfaits de la participation à l’événement. 250 personnes étaient présentes pour la journée professionnelle, plus de 300 lors de la journée grand public. Pour une première fois, c'est très prometteur. Nous allons prévoir la seconde édition autour du 10 juillet 2026. Nous nous  calons ainsi sur le dernier jour de la Fashion Week parisienne que nous pourrions accompagner par un événement dans ce lieu extraordinaire qu’est le Domaine de Chaalis. Un symbole du patrimoine environnemental et culturel, impliqué lui aussi dans les questions de durabilité et de biodiversité. Un lieu d’une grande beauté et très inspirant, idéal pour partager nos expériences, et faire émerger de nouvelles idées. Pour en savoir plus: https://parisgoodfashion.fr/fr/

UFIMH & Transition écologique : les trois axes clés de notre engagement

Impliquée de façon pionnière autour des sujets RSE, l’UFIMH participe à accélérer la transition écologique en menant de multiples actions de lobbying auprès des pouvoirs publics mais aussi une politique de sensibilisation des acteurs de la filière. Le point avec Adeline Dargent, déléguée générale du Syndicat de Paris de la Mode Féminine. Dix ans ou presque… L’UFIMH, associée à la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin, s’est impliquée dès 2017 autour des questions de développement durable en publiant la première grande étude sur le sujet pour le secteur de l’habillement. Depuis 2019, elle édite avec celle-ci et la Fédération de la Maille, de la Lingerie et du Balnéaire des guides à l’attention des acteurs de la filière – ouvrages rédigés avec un collectif d’entreprises membres de l’UFIMH, adossé à un cabinet spécialisé. « Après un premier opus autour des approvisionnements responsables, nous avons lancé deux ouvrages sur les sujets d’éco-conception et de communication responsables à mettre en place pour valoriser les initiatives, précise Adeline Dargent. Toujours conçues de façon pratique, ces publications réunissent des informations générales mais aussi des outils directement utilisables pour permettre aux entreprises d’agir concrètement. Mieux encore, ces contenus viennent tout juste d’être déclinés sur une plateforme intitulée En mode durable, ce qui permet de toucher un public plus familier d’internet ». Parallèlement à ces actions, l’UFIMH est investie de longue date dans un dialogue nourri avec les pouvoirs publics pour faire avancer les dossiers clés -qu’il s’agisse de la loi contre l’ultra mode express ou de faire des propositions pour construire l’affichage environnemental textile qui devrait être déployé dès l’automne 2025.  Autant d’engagements qu’elle entend prolonger dans les prochains mois en agissant autour de trois grands axes.   *La promotion d’un affichage environnemental ET social. Après la mise en place de cette première mesure qui vise à rendre compte de l’impact de chaque pièce achetée et répondre ainsi aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat et de la loi Climat et Résilience, l’UFIMH milite activement pour une réglementation plus complète. Celle-ci devrait également intégrer la mesure de l’impact social des produits sur la société. Des études sont en cours et là encore, l’Union travaille avec un pool d’entreprises pour un partage d’expériences et s’appuie sur un cabinet spécialisé.   *Un nouveau cahier des charges pour Refashion, l’éco-organisme de la filière. Créée en 2009, cette société - financée par l’éco-contribution versée par ses adhérents- assure la prévention et la gestion de la fin de vie des textiles d’habillement, de linges de maison et de chaussures mis sur le marché français en soutenant la collecte, le tri, la réparation et le réemploi de ces produits. Par ailleurs, elle accompagne les marques à s’engager dans une démarche d’éco-conception et soutient le développement du recyclage en France. L’action de Refashion s’articule aujourd’hui autour de deux grands axes. D’un côté, la collecte et le tri en vue du réemploi majoritairement porté par les acteurs de l’économie sociale et solidaire alors même que le secteur connaît aujourd’hui de graves difficultés liées à l’explosion des volumes qui partent essentiellement à l’exportation dans les pays d’Afrique. Face à la concurrence chinoise qui a baissé les prix, les collecteurs ne peuvent plus exporter et se trouvent contraints de fermer les points de collecte. Il est donc urgent de se tourner vers d’autres alternatives. « Pour l’UFIMH, la solution passe par la construction d’une filière industrielle de recyclage en France, assure Adeline Dargent.  L’Union est alignée avec les autres fédérations professionnelles impliquées sur le sujet et travaille avec le Comité Stratégique de Filière Mode et Luxe pour devenir une force de proposition incontournable sur le sujet ».   *Une stratégie de sensibilisation des TPE et PME sur le sujet de la décarbonation. ` Engagée de longue date sur la question, l’UFIMH accompagne des entreprises pour accélérer la transition. « Les récentes études menées par l’association Paris Good Fashion montrent que les segments du luxe et premium sont plutôt bons élèves en la matière mais il faut aller plus loin dans la prise de conscience et convaincre certaines entreprises qui n’ont pas encore réalisé leur bilan carbone, point de départ obligé à toute construction d’une trajectoire de décarbonation, précise Adeline Dargent. Le travail consiste à les inciter à sauter le pas, en rappelant que l’UFIMH et ses fédérations membres mettent à leur disposition une subvention de 5000 euros pour le financement de tout projet, de décarbonation mais aussi d’autres sujets RSE ». Pour aller plus loin : https://www.enmodedurable.fr/

3 questions à … Julien Tuffery, Président de Atelier Tuffery

« Nous défendons une production locale, 100% cévenole » Créé en 1892 à Florac, l’atelier Tuffery a été l’un des premiers producteurs de jeans en France. Après une longue période de déclin, il a retrouvé un nouveau souffle sous la direction de Julien Tuffery qui conjugue éthique et modernité avec des collections de jeans, pulls et manteaux aussi durables que désirables… Vous êtes la quatrième génération de la famille à la tête de cette manufacture. Pouvez-vous nous rappeler les grandes dates de son histoire ? Tout a commencé ans les années 1890. Mon aïeul Célestin Tuffery, maître tailleur, cherchait à répondre aux demandes des ouvriers affluant dans la région pour construire le chemin de fer qui allait traverser les Cévennes. Il a alors acheté à Nîmes une toile 100% coton teintée en indigo et commencé à fabriquer des pantalons très fonctionnels dans ce tissu économique, facile d’entretien et ultra- robuste. C’est ainsi qu’est né, en 1892, l’un des premiers jeans français. Son fils a repris l’entreprise à la fin des années 1930. Entretemps, l’atelier de Florac avait acquis une vraie notoriété mais c’est dans les années 60-70 que l’entreprise est passée à la vitesse supérieure, avec une quarantaine de couturières qui produisaient plus de 500 jeans par jour. Hélas, ce développement a été stoppé dans les années 90 avec la délocalisation de la production textile française au Maghreb et en Asie. En 2000, la manufacture ne comptait plus que 3 salariés. Je ne voulais pas la voir disparaitre et j’ai décidé, en 2015, de reprendre la gérance avec mon épouse Myriam. Nous sommes tous deux ingénieurs et nous avons décidé de relever le défi.    Quelles innovations avez-vous apportées et quelles collections proposez-vous aujourd’hui ? Nous voulions à la fois préserver les savoir-faire et restructurer l’entreprise en y infusant des techniques modernes, de commercialisation, de communication et de digitalisation. Nous avons pensé une démarche à long terme. Nous sommes tous les deux des passionnés du Made in France, nous défendons la production locale et une consommation plus raisonnée mais on savait que pour réussir, il fallait avant tout des collections désirables. Aujourd’hui, nous vendons en ligne des jeans mais aussi des chemises, des vestes, des pulls et des manteaux, le tout fabriqué dans les coupes les plus contemporaines et avec des matières premières d’exception : laine de Lozère, coton des Vosges, chanvre du Lot et délavage réalisé dans la Sarthe. Notre mantra ? Trouver au plus près les meilleures qualités. Vous venez de fêter les 10 ans de ce renouveau. Quel bilan faites-vous et comment pensez-vous les prochaines années ? Notre relancement a porté ses fruits, nous avons renoué avec la croissance et faisons travailler une quarantaine de salariés. Nous avons investi dans de nouveaux locaux imaginés par la designer Matali Crasset. Elle venait en vacances dans les Cévennes, nous sommes devenus amis et elle a accepté de redessiner nos deux bâtiments à l’aide de matériaux locaux. Notre objectif est de poursuivre ce développement mais aussi d’initier des projets qui nous tiennent à cœur : sensibiliser les jeunes de la région aux métiers du textile, proposer des ateliers éphémères à des artisans de toutes disciplines… Autre projet un peu fou… Proposer à notre communauté d’acheter une brebis mérinos pour 450 euros afin d’enrichir notre troupeau (150 têtes) que nous avons constitué au début de l’année. La laine de nos bêtes a été tondue en avril puis tissée dans notre filiale située dans le Tarn. Elle permettra de produire nos pulls et nos manteaux avec un fil de plus grande qualité encore, très doux et très fin. Et surtout de poursuivre notre ambition de relocalisation avec des matières premières 100 % made in Cévennes. Découvrez Atelier Tuffery: https://www.ateliertuffery.com/

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